Chapitre #3 | Pourquoi 2020 n’est pas la pire année de l’Histoire

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Écologie, technologie, santé ou société… Malgré la prolifération du virus de la Covid-19 qui a changé nos vies, l’année 2020 a apporté avec elle son lot de bonnes nouvelles. « Après la pluie vient le beau temps… » Retour sur ces changements qui annoncent des jours meilleurs. 

Il y a un an, le 31 décembre 2019, personne n’imaginait qu’une telle année pourrait bouleverser le monde entier. Pour certains, 2020 seraient les pires douze mois de notre histoire. Mais pourtant, en criant ce jour-là « Bonne année 2020 », l’équipe de Checked va vous montrer que vous aviez vu juste. 

La technologie nous accompagne partout, tout le temps, parfois même trop. Mais cette année 2020 particulière nous a montré que, bien utilisée, elle pouvait pourtant nous rapprocher. Durant plusieurs mois de confinement strict et de périodes de couvre-feu, les Français ont trouvé refuge sur Internet.

Si vous aussi vous avez parlé à votre ordinateur en ayant un verre d’alcool à la main c’est que vous avez pratiqué l’apéro confinement… ou le coronapéro… ou le skypéro… Enfin bref, vous avez compris. Parce que même en temps de crise la France reste attachée à ses traditions, cette pratique s’est très vite répandue. Environ un tiers de la population s’est retrouvée au moins une fois autour d’un verre (et d’un écran). Plutôt que parler au téléphone ou s’échanger des textos, l’apéro virtuel permet de voir ses amis et de s’apporter mutuellement du réconfort bien réel. Aussi pour voir sa famille et garder un lien sans risque pour les plus fragiles. Des Ehpad ont même initié leurs résidents aux appels vidéo à l’aide de tablettes numériques.

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Notre société a montré sa capacité d’adaptation à toute épreuve en démocratisant la pratique de la visioconférence en milieu professionnel. Plutôt logique tant elle est simple et à la portée de tout le monde. Muni d’un ordinateur ou d’un smartphone il suffit de se connecter aux logiciels les plus connus, que ce soient Skype, Messenger, Microsoft Teams, Google Meet ou Zoom. Ce dernier s’en est d’ailleurs particulièrement bien sorti cette année et a vu son nombre d’utilisateurs exploser à partir du mois de mars. Les entreprises ont pu maintenir leur activité grâce au télétravail et organiser des réunions ou simplement garder le contact avec leurs salariés. Ces derniers ont plutôt accueilli positivement ce nouveau mode de travail, allant même jusqu’à vouloir l’implanter de manière régulière dans leurs habitudes.

Repenser notre manière de travailler

Le milieu scolaire s’est aussi approprié cet outil pour reprendre les cours. Les établissements ont dû s’adapter en urgence aux nouvelles contraintes de l’apprentissage à distance et former les enseignants à l’utilisation de nouveaux outils. Même si les écoles et universités se raviveront un jour, l’expérience ne sera pas perdue. La situation a aussi pu révéler l’ampleur de la fracture numérique en France et la nécessité de rattraper ce retard pour accueillir ce monde d’après qui arrive en avance.

Durant cette année de distanciation physique, les réseaux sociaux ont pu servir à nous rassembler autour de causes communes. C’était le cas dès le début du premier confinement le 17 mars lorsqu’un appel à applaudir le personnel soignant avait été relayé massivement grâce au hashtag #OnApplaudit. Inspiré de nos voisins italiens, cet élan de remerciements a rencontré un franc succès durant tout le confinement chaque soir à vingt heures.

Ces mêmes réseaux sociaux ont aussi permis de mettre la lumière sur des affaires humanitaires comme celle notamment des Ouïghours. Ce peuple de religion musulmane majoritairement installé en Chine subit depuis quelques années une grave répression de la part du gouvernement chinois. Une vidéo, devenue virale sur Twitter cet été, montre des prisonniers embarquer de force dans des trains en direction de camps de détention. Plusieurs millions de messages parlant de cette minorité se sont échangés sur la plateforme jusqu’au point culminant du 1er octobre, jour de fête nationale chinoise. Un mouvement à l’initiative du député européen Raphaël Glucksmann qui avait choisi ce jour symbolique pour publier un simple carré bleu sur les réseaux sociaux pour alerter l’opinion.

L’année 2020 aura au moins eu le mérite d’accélérer la digitalisation de la société et pousser des pratiques positives pour notre productivité. Une évolution somme toute logique. Dans d’autres domaines, on parle même de révolution, par exemple en médecine.

La technologie au service de la médecine

Aussi désastreuse pour le milieu de la médecine et de la santé publique l’année 2020 a-t-elle pu sembler, elle représente pourtant une lueur d’espoir pour l’avenir. La technologie, qui s’est donc d’autant plus installée dans toutes les strates de notre société, a aussi transformé le monde de la santé. Prenez l’exemple de l’explosion des téléconsultations. La crise du Covid-19 et la nécessité de diagnostiquer les patients atteints de la maladie sans mettre à risque les médecins a fait naître, ou du moins fait accélérer la naissance de la médecine à distance. En plus d’offrir une meilleure protection sanitaire, les téléconsultations peuvent être une des solutions pour résoudre les problèmes de vide médical dans les zones rurales. 

Mais le futur technologique de la médecine réside sûrement dans l’intelligence artificielle. Dans une science où la précision est capitale et où la recherche est souvent constituée d’essais répétitifs, l’IA marque l’avènement d’une nouvelle ère de la santé. 

« L’intelligence artificielle a trouvé sa place dans la lecture des examens d’imagerie », explique Martin Blachier, médecin spécialiste de santé publique et épidémiologiste. En effet, l’IA est prodigieuse lorsqu’elle se base sur des données. Elle peut détecter les anomalies présentes sur des radios, scans ou IRM avec une précision impressionnante, et les diagnostiquer. À plus grande échelle, l’IA rendra plus efficace le traitement et l’analyse des données, et améliorera la coordination entre les différents domaines de la médecine. 

L’IA pourra aussi traiter des maladies durables, comme le diabète. Deux puces, qui communiquent entre elles et gèrent tout pour les malades. « Un algorithme contrôle une puce qui mesure les niveaux glycémiques et un petit patch qui injecte l’insuline en fonction », explique le médecin. 

L’ère de la biotechnologie 

La vraie révolution de cette année 2020 pour la médecine, c’est la concrétisation d’années de recherche en biotechnologie. L’effort mondial dans la recherche d’un remède contre la Covid-19 a permis d’aboutir à un vaccin en moins d’un an. À l’heure où nous écrivons ces lignes, 9 mois après la déclaration de la maladie en « pandémie » par l’OMS, les premières vaccinations sont en cours en Europe. Ce vaccin à ARN, s’il a été développé rapidement, est pourtant le résultat d’années de recherches. 

Pour Martin Blachier, la biotechnologie est l’un des axes d’innovation les plus prometteurs en médecine. C’est une véritable transformation de la science, et de la façon dont les recherches sont effectuées. Fini la chimie et ses expérimentations, la biotechnologie est le futur du domaine. « La chimie, simplement : on crée des milliers de molécules un peu par hasard, l’une d’elles fonctionne contre la maladie, et on développe le médicament à partir de cette molécule », explique le médecin épidémiologiste. Loin du hasard de la chimie, la biotechnologie va « étudier les mécanismes très complexes dans les cellules et cibler en particulier tel ou tel enzyme », poursuit l’expert en santé publique passé par l’Inserm. 

Une décennie pleine de challenges 

Ce développement de techniques précises ouvre la voie à de nouvelles solutions pour des maladies jusqu’ici intraitables. Aller chercher au plus près de la cellule, c’est ce sur quoi repose la thérapie génique. Les ciseaux ADN (Prix Nobel de Chimie 2020), les médicaments géniques, des innovations permettant d’aller directement modifier la structure de nos molécules génétiques. Ces avancées donnent déjà une meilleure espérance de vie à des maladies mortelles, et souvent fatales tôt : la mucoviscidose, les myopathies… 

« Aujourd’hui, on a des maladies qui n’existaient pas avant tout simplement parce que les gens ne vivaient pas assez vieux »

Martin Blachier

Des espoirs primordiaux, alors que la décennie 2021-2030 sera marquée par le vieillissement de la population et des challenges que cet aspect amène. Pour Martin Blachier, si les avancées sont visibles dans les domaines des cancers, des maladies cardio-vasculaires ou immunodéficientes, les neurosciences doivent recevoir plus d’attention. Des maladies où les échecs s’empilent, comme Alzheimer, pourraient voir un traitement naître au fur et à mesure de l’évolution de notre compréhension du vieillissement de l’ADN. 

Mais pour l’épidémiologiste, l’axe de la médecine post-2020 sera la santé mentale. L’année 2020 a accéléré la prise de conscience de l’importance de se sentir bien dans sa tête. Isolés, stressés, malmenés par des événements mondiaux inquiétants, nous avons plus que jamais réalisé l’importance de privilégier notre bien-être. Et pour préserver cette recherche du bien-être, il faudra premièrement aborder l’aspect le plus important de la décennie à venir… Notre environnement. 

La prochaine décennie décisive

Oui, les eaux de nos mers et océans continuent de monter. Oui, des feux de forêts désastreux ont continué de contribuer à la déforestation dans le monde. Et oui, l’année 2020 est la plus chaude jamais enregistrée, battant de peu l’année 2016. Mais l’année 2020, c’est aussi une baisse record de 7% des émissions mondiales de CO2. En France, c’est aussi une vague politique verte encore jamais vue, qui a fait passer plusieurs grandes villes sous gouvernance de maires écologistes. Le trou de la couche d’ozone se referme et a atteint sa plus petite taille observée, aidé par des mesures prises depuis le protocole de Montréal de 1987. 

Mais surtout, l’année 2020 a offert un questionnement généralisé sur notre façon de vivre et de consommer. Et ces interrogations sont on-ne-peut-plus nécessaires, alors que la décennie qui arrive se dessine comme décisive pour notre environnement. 

En effet, comme nous l’a expliqué Aurélien Boutaud, environnementaliste, auteur, consultant indépendant et chercheur au CNRS, tout va se jouer sur les 10 prochaines années. Si les Accords de Paris visent à limiter le réchauffement climatique à 2°C et à atteindre la neutralité carbone d’ici à 2050, il faut réduire la course actuelle, et vite. « Le moins de CO2 on émet sur les 30 prochaines années, le moins de CO2 il faudra retirer de l’atmosphère après 2050 pour maintenir notre climat », explique l’expert. Concrètement, la courbe de nos émissions doit donc plonger puis se stabiliser à 0, et non descendre progressivement. 

L’urgence sanitaire et ses leçons pour l’urgence climatique 

Si le tableau dépeint par l’année 2020 n’est pas exactement idéal, il nous donne quand même des indices sur la marche à suivre. Tout d’abord, la baisse des émissions de CO2 de 7% dans le monde est à saluer, mais aussi à nuancer. Cette baisse a été enregistrée au prix de l’arrêt quasi-total de l’activité humaine pendant plusieurs mois, ainsi qu’à une crise économique majeure. Or, 7% est précisément la baisse à enregistrer chaque année sur la décennie à venir pour atteindre les objectifs fixés par la COP21.

« Le but n’est donc pas de tout arrêter, mais de tout transformer » 

Aurélien Boutaud

Comme lors de la crise sanitaire, où la production de masques et de respirateurs a été relocalisée en France pour pallier l’arrêt des échanges internationaux, il faut désormais repenser notre façon de produire et d’importer. Car si nous pouvons contrôler nos émissions de dioxyde de carbone à l’échelle nationale, continuer à importer des biens dans des pays qui contrôlent moins leur empreinte écologique amoindrit les efforts que nous ferons. « Quand j’achète un téléphone portable, il émets du CO2 pendant toute sa phase de production hors de France », illustre Aurélien Boutaud. 

Aujourd’hui, l’urgence climatique est portée par les marges de la société. Extinction Rebellion, Greenpeace, les défenseurs de l’écologie… L’année 2020 a démontré une expansion de cette prise de conscience, notamment avec l’implantation généralisée de mobilités durables comme le vélo en France. Mais il faut faire plus, ou tout simplement différemment. 

Le changement, c’est maintenant 

La société aussi s’imprègne de positif. Alors oui, vous allez dire que c’est faux, que le moral des Français (et du monde entier) est au plus bas. Seulement, une évolution a lieu, dans notre façon de penser, d’agir, et de regarder le monde.

« Le négatif c’est mettre en avant des problèmes qu’il faut résoudre », déclare Martin Blachier. Ainsi, se concentrer sur le négatif permettrait d’isoler les problèmes et de trouver des solutions pour les résoudre. 

Prenons un exemple de cette décennie : le Printemps arabe. En 2011, les citoyens de plusieurs pays du Maghreb et du Moyen-Orient se révoltent contre la pauvreté, la tyrannie, le chômage et la corruption. Ces révoltes ont entraîné des changements géopolitiques profonds, dont la démission de plusieurs dictateurs et chefs d’États ainsi que de nombreuses réformes pour répondre aux revendications. Cette prise de conscience commune a permis une évolution positive, et de nombreux avancements pourtant nés de choses négatives.

Pour l’année 2020, c’est la même chose. La pandémie actuelle nous a fait prendre conscience de l’importance de la santé et du bien-être dans nos vies. L’importance des soignants, des gestes d’hygiène simples, de l’entraide et de l’unité. Mais elle nous a aussi permis d’apprendre de nos erreurs et de s’améliorer. En se focalisant sur ce qui n’allait pas, plusieurs problèmes majeurs ont été résolus : plus de masques, de lits en réanimation, une meilleure organisation et une réaction accrue des gouvernements (à la suite  de nombreux loupés, certes) et des citoyens soudés qui agissent ensemble.

L’entraide et l’unité pour évoluer 

Cette année nous a montré que le négatif nous permet d’agir. En se focalisant sur les problèmes que nous rencontrons, on cherche une évolution, une façon d’améliorer la situation. Le problème d’un pays entier, permet des vagues mondiales de soutiens, de déferlement et d’actions. 

L’assassinat de George Floyd, les violences policières les Ouïgours ou encore l’écologie en sont la preuve. Le mouvement « Black Lives Matter », créé en 2013, devient le symbole de protestation le plus massif de l’Histoire des États-Unis, incitant des changements sociaux et politiques importants. Les policiers responsables de la mort de George Floyd vont être jugés et punis pour leur crime (un fait rare aux États-Unis), Biden bat Trump à l’élection présidentielle, ce qui annonce une nouvelle ère plus prospère et positive pour les Américains : plus de communication avec les différents pays, le maintien des États-Unis dans l’Otan, le retour dans l’Accord de Paris, et le retour de l’Obamacare… 

Comme l’urgence climatique rappelle l’importance de modifier nos habitudes, la société toute entière suit et absorbe lentement mais sûrement la progression de l’humanité Les mentalités changent, les gens veulent faire des choses qui ont du sens. Le capitalisme s’essouffle, et les sociétés développées s’ennuient d’un mode de fonctionnement basé sur la productivité au détriment du bonheur. Dans le reste du monde en développement, la poursuite de l’égalité et des opportunités est un moteur puissant de changement universel. 

« Aujourd’hui, après un bac+5, les étudiants ne veulent plus aller bosser pour une société du CAC 40. Ils veulent que leur boulot ait du sens et surtout qu’il intègre cette question de transition écologique »

Aurélien Boutaud

L’important n’est pas 2020, mais 2021 

Oui, cette année 2020 a été éprouvante pour tout le monde. Elle entrera dans l’Histoire à bien des égards, tant elle nous aura malmenés jusqu’au bout. Mais, après y avoir regardé de plus près, du positif en ressort. Dans plusieurs domaines, l’humanité a montré sa résilience et sa capacité d’adaptation. Malgré plus d’un million de morts de la Covid-19 dans le monde, les avancées médicales et l’unité internationale ont permis d’éviter de nombreux autres décès. À certains moments de l’année, avec plus de la moitié de l’Humanité confinée, 2020 a offert un sens d’universalité à chacun comme jamais auparavant. 

Une communion des causes révélée par cette année de crise qui n’a épargné personne, nécessaire à un tournant de l’Histoire humaine. Il est évident que les années à venir marqueront des changements sociétaux, culturels et environnementaux profonds. Ce que l’on ne sait pas encore, c’est si cela sera pour le mieux, ou pour le pire. Même si l’année 2020 semble avoir montré le pire de l’humanité, elle nous a indiqué comment cultiver le meilleur de notre espèce, et présage un futur positif. 

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